COP30 : l’impossible alliance entre la Chine et l’Europe sur le climat

Par John D. 13/11/2025 à 13:35
COP30 : l’impossible alliance entre la Chine et l’Europe sur le climat
Photo par engin akyurt sur Unsplash

Analyse des tensions et convergences entre la Chine et l'Europe lors de la COP30, marquée par des intérêts divergents et des enjeux économiques et climatiques.

Le destin de la 30e Conférence des parties sur le climat (COP30) est entre leurs mains et personne ne sait vraiment s’ils trouveront un terrain d’entente. Depuis le début de la COP30, responsables européens et chinois affichent entre eux une confiance très mesurée. Certes, chacun défend le multilatéralisme environnemental et l’accord de Paris, mais sans jamais oublier ses propres intérêts.

Ding Xuexiang, le vice-premier ministre chinois, a répété qu’il fallait « supprimer les barrières commerciales et garantir la libre circulation des produits verts ». Une pierre dans le jardin de l’Union européenne (UE), qui tente de se protéger de la déferlante de batteries et de voitures chinoises. Emmanuel Macron a, lui, demandé d’élargir la base des contributeurs à la finance climatique. Une manière de rappeler à la Chine qu’elle doit assumer ses responsabilités en tant que premier émetteur mondial de gaz à effet de serre (GES). « En coulisses, c’est encore plus froid », souligne un négociateur européen.

Dans un jeu de postures classique de début de COP, la Chine s’érige en leader du Sud. Au cœur des salles de négociation, elle agite l’idée d’ouvrir des discussions sur l’article 9.1 de l’accord de Paris, qui stipule que les pays développés doivent fournir des ressources financières pour aider les pays en développement. Pékin et ses alliés critiquent aussi le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), un règlement de l’UE qui impose une taxe sur les importations de certains produits en fonction de leur empreinte carbone, cible de nombreux pays émergents ainsi que de la Chine, premier exportateur de la planète. « Il faut faire la part des choses, oui, il y a des tensions commerciales, admet une source diplomatique française. Mais nous avons aussi un intérêt commun, celui de faire vivre l’accord de Paris malgré le retrait des Américains. »



Les deux parties ne peuvent se passer de cette diplomatie climatique. Pour la Chine, hyperpuissance de l’économie bas carbone, un accord ambitieux signifie une accélération de la transition, donc une augmentation des ventes de ses éoliennes, panneaux solaires, batteries et voitures électriques. Dépendante aux énergies fossiles, l’Europe est un marché de 450 millions de consommateurs qui s’est engagé à atteindre la neutralité carbone en 2050.

« La relation entre les deux est très importante, analyse Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales. L’UE se bat clairement pour un agenda de décarbonation ambitieux et c’est forcément un partenaire commercial clé pour la Chine, qui doit écouler sa surproduction. Tout cela peut les mettre dans le même camp au moment des négociations climatiques… »

La Chine tournée vers les pays émergents

Après le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et l’annonce du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris en janvier, certains acteurs européens de la cause climatique se sont mis à rêver d’un rapprochement entre l’UE et la Chine. Une voie qui aurait permis à cette dernière de souligner l’isolement dans lequel se sont embourbés les Américains, en mettant en scène ses convergences avec des alliés des Etats-Unis et en se posant en puissance à la hauteur des enjeux, en opposition à Washington.



Mais les facteurs empêchant une éventuelle convergence sont multiples : le soutien diplomatique et commercial chinois à la Russie dans sa guerre en Ukraine, le contentieux sur le soutien de la Chine aux constructeurs d’automobiles électriques, la taxe carbone aux frontières… Au moment du sommet entre l’UE et la Chine, le 24 juillet, les Européens espéraient au moins un texte ambitieux sur le climat, faute de consensus sur les autres dossiers. Ils n’obtiennent qu’une déclaration minimale prônant un « renforcement de la coopération ».

Pékin ne semble pas intéressé par une relation privilégiée avec l’Europe, favorisant bien davantage son rôle de grand frère parmi les émergents, ce qui pousse la Chine à insister pour conserver des formules telles que « responsabilité différenciée », qui renvoie toujours le poids du réchauffement climatique sur l’UE. « Nous avons compris à ce moment-là que l’élection de Trump n’avait pas tout changé du jour au lendemain », confie une source diplomatique.



Les grands émergents le lui rendent bien. « La Chine propose des solutions qui profitent à tous, pas seulement à elle », l’a félicitée Andre Correa do Lago, président de la COP30, cité par le Guardian. « Les panneaux solaires sont moins chers, ils sont tellement compétitifs [par rapport aux énergies fossiles] qu’on les trouve partout aujourd’hui. Si l’on se préoccupe du changement climatique, c’est une bonne chose », a-t-il déclaré en pleine lune de miel diplomatique sino-brésilienne.

Un jeu diplomatique très complexe

En contraste, les tensions n’ont cessé de s’accroître, avant la COP30, avec l’Europe. Fin septembre, Wopke Hoekstra, commissaire européen au climat, a déclaré que l’ambition de la Chine de réduire de 7 % à 10 % ses émissions de GES était « loin d’être à la hauteur de ce [qui est considéré] comme réalisable et nécessaire ». Une sortie qui débouchera sur une réponse écrite des autorités chinoises.

Dans l’arène de la COP30, ces tensions sont encore exacerbées par un jeu diplomatique très complexe. La Chine, à la tête du G77, un groupe de pays en voie de développement, tient à conserver son statut de leader du Sud global. Hors de question dès lors d’apparaître diplomatiquement trop proche des Européens qui, eux, cherchent l’appui des pays les plus vulnérables et des petits Etats insulaires, très menacés par le changement climatique. « Les critiques contre le MACF et contre l’Europe sont purement tactiques et destinées à renforcer la stature diplomatique de la Chine, notamment auprès des émergents », affirme M. Treyer.



Les tensions sont amenées à perdurer, estime Li Shuo, directeur du centre d’analyse sur la Chine et le climat d’Asia Society. « On ne va pas sortir de ce cycle de frictions entre la Chine et l’Europe sur le climat, car la domination chinoise dans ces secteurs est désormais bien installée et pas acceptée », dit-il. « Les COP deviennent des moments compliqués pour la partie européenne à laquelle on demande des concessions qu’elle est incapable de faire, comme avec le MACF, ou de monter en puissance sur les financements, poursuit Joseph Dellatte, chercheur spécialisé dans les questions de climat et d’énergie au sein de l’Institut Montaigne. La Chine vient à la COP pour se vendre commercialement et, vu sa puissance et son influence, elle tient les rênes des conférences. Les Brésiliens le savent très bien. »

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Contributeur passionné par l'actualité politique française et les enjeux climatiques internationaux. J'essaie d'apporter ma pierre à l'édifice de l'infirmation digne de confiance !

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