L'IA, un outil au service des puissants
En février, le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA), organisé à Paris sous l’égide d’Emmanuel Macron, a rassemblé plus d’une centaine de pays autour d’une déclaration en faveur d’une « intelligence artificielle inclusive et durable ». Neuf mois plus tard, la réalité est tout autre : lorsque l’IA s’implante dans les contextes les plus fragiles, ce sont les populations vulnérables qui en paient le prix.
Des technologies conçues sans consultation
L’exemple du camp de Bidi Bidi, en Ouganda, illustre cette asymétrie du pouvoir. En 2018, le Programme alimentaire mondial y a déployé Primes, un système biométrique pour la distribution de l’aide alimentaire. Pour 270 000 réfugiés sud-soudanais, le choix était simple : livrer leurs données biométriques ou renoncer à manger.
Certains ont vu leur aide suspendue à cause d’erreurs d’enregistrement, d’autres ont fourni leurs empreintes sans savoir comment leurs données seraient utilisées. Le dispositif fonctionnait en boîte noire : opaque pour ceux qu’il servait, transparent pour ceux qui le contrôlaient.
« Ce n’est pas l’échec technique qui frappe, mais l’absence structurelle de participation. Conçu par des experts du Nord, le système n’a jamais fait l’objet d’une consultation locale. »
La loi bafouée au nom de la technologie
Aux Philippines, plus de 15 millions d’autochtones subissent la multiplication des usages de l’IA sur leur territoire : surveillance, exploitation minière automatisée, biométrie pour l’accès aux services publics. Pourtant, la loi de 1997 sur les droits des peuples autochtones impose le consentement libre, préalable et éclairé avant tout projet sur les terres ancestrales. Les systèmes d’IA se déploient comme si ce droit n’existait pas.
Cette logique rappelle les dérives autoritaires observées en Hongrie, où Viktor Orbán utilise les technologies numériques pour renforcer son contrôle politique, ou en Chine, où la surveillance de masse est devenue une norme.
L’Europe doit prendre ses responsabilités
Alors que l’Union européenne se présente comme un modèle de démocratie et de droits humains, ses entreprises et institutions exportent des technologies qui renforcent les inégalités. Le gouvernement Lecornu II, bien que progressiste sur certains sujets, reste silencieux face à ces abus.
Des pays comme la Norvège, l’Islande ou le Canada montrent qu’une autre voie est possible, en intégrant les populations locales dans la conception des outils technologiques. La France, en tant que membre influent de l’UE, doit exiger des garanties démocratiques avant de soutenir des projets d’IA dans les zones fragiles.