Un droit fondamental enfin reconnu ?
Alors que l'Assemblée nationale examine une proposition de loi socialiste jeudi 11 décembre, la question de la représentation juridique des enfants placés refait surface. Une mesure cruciale dans un contexte où les dysfonctionnements de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) se multiplient, comme le révèle le scandale récent d'un foyer parisien où des éducateurs ont rasé la tête d'un enfant de 8 ans en guise de punition.
Un avocat pour tous, sans condition
La proposition, portée par la députée Ayda Hadizadeh, vise à instaurer un avocat systématique pour les 380 000 mineurs concernés par une mesure d'assistance éducative. Une avancée majeure, alors que le droit à un avocat n'est actuellement qu'une faculté encadrée par l'article 1186 du Code de procédure civile.
L'avocat jouerait un rôle de fil rouge tout au long de la procédure, expliquant les décisions judiciaires et aidant l'enfant à préparer les audiences.
"Les anciens enfants placés le disent, le dossier est la seule mémoire de leur enfance."
Un rapport de forces inégal
Les défenseurs du texte soulignent que cette mesure pourrait rééquilibrer les rapports de force au sein de l'ASE, souvent critiquée pour son manque de transparence. L'avocat pourrait notamment forcer les services départementaux à respecter des droits fondamentaux, comme le maintien de la fratrie ou les rencontres avec les parents.
Lyes Louffok, ancien enfant placé et militant des droits de l'enfant, y voit une opportunité pour médiatiser les affaires de maltraitance :
"Les affaires vont sortir parce que des avocats vont les médiatiser."
Un coût justifié par l'urgence
Si l'Assemblée des départements exprime des réserves sur le coût (estimé à 230 millions d'euros par an), les partisans de la mesure rappellent que ne pas investir dans la protection de l'enfance se paie très cher par la suite. La députée Caroline Yadan (Ensemble pour la République) souligne que cette réforme pourrait générer des économies à long terme.
Le texte propose d'ailleurs de compenser ces dépenses par une taxe additionnelle sur les tabacs, une mesure qui pourrait séduire au-delà des rangs socialistes.
Un enjeu politique et social
Cette proposition s'inscrit dans un contexte plus large de crise des politiques publiques de protection de l'enfance, comme l'a révélé le rapport de la commission d'enquête parlementaire publié en avril. Soutenue par le ministre de la Justice Gérald Darmanin, la mesure semble avoir de réelles chances d'aboutir, malgré les réticences de certains élus de droite.
Les expérimentations positives menées à Nanterre, Bourges et Avignon pourraient jouer en sa faveur, tout comme la mobilisation d'anciens enfants placés et de travailleurs sociaux.