Un geste symbolique dans un contexte tendu
La libération de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, gracié par Alger et soigné en Allemagne, pourrait marquer un tournant dans les relations entre Paris et Alger. Alors que l'écrivain pourrait rentrer en France ce samedi 15 novembre, certains observateurs y voient un signe d'apaisement après des mois de tensions.
Un climat diplomatique dégradé
Les relations entre la France et l'Algérie se sont fortement détériorées ces dernières années, en particulier depuis juillet 2024, lorsque la France a soutenu un plan d'autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental. Une position qui a provoqué la colère d'Alger, soutenant les indépendantistes du Polisario. La crise s'est encore aggravée avec l'incarcération en France d'un agent consulaire algérien accusé d'être impliqué dans l'enlèvement de l'influenceur Amir Boukhors, entraînant des expulsions réciproques de diplomates.
La politique de fermeté de Retailleau en question
Le passage au ministère de l'Intérieur de Bruno Retailleau, partisan d'une ligne ferme face à Alger, a exacerbé les tensions. Le président des Républicains a engagé un bras de fer sur la question de l'immigration et du retour dans leur pays de ressortissants algériens sous le coup d'une OQTF. Une stratégie qui a conduit à la rupture des canaux de communication entre les deux pays, selon l'ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet.
Un réchauffement diplomatique en perspective
La libération de Boualem Sansal, négociée avec l'Allemagne et médiatisée par le président Frank-Walter Steinmeier, laisse entrevoir un possible réchauffement des relations. L'arrivée de Laurent Nuñez au ministère de l'Intérieur, qui a revendiqué une rupture avec la politique de Retailleau, pourrait également contribuer à un dialogue plus apaisé. "La stratégie du bras de fer ne fonctionne pas. Il faut être dans une démarche de dialogue", a-t-il déclaré sur BFMTV.
Les défis persistants
Malgré ces signes encourageants, plusieurs obstacles subsistent. Paris exige toujours la libération du journaliste sportif français Christophe Gleizes, condamné en Algérie pour "apologie du terrorisme". De son côté, Alger attend le soutien de Paris et Berlin dans le cadre de la révision de l'accord d'association entre Alger et l'Union européenne.
Un dialogue fragile mais nécessaire
L'Elysée affirme travailler à la reprise des discussions. Emmanuel Macron s'est dit "disponible pour échanger" avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune, qui sera présent au sommet du G20 en Afrique du Sud. Laurent Nuñez pourrait également se rendre à Alger. "Le ministre de l'Intérieur algérien m'a invité à me rendre en Algérie, donc la probabilité que je m'y rende est très forte", a-t-il déclaré.
Un héritage historique lourd
Pour l'historien Benjamin Stora, la crise entre la France et l'Algérie a été "très dure et très profonde". "On ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé, et je pense donc qu'il faudra reprendre pas à pas", a-t-il souligné. La balle est désormais dans le camp français, selon Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen.
Un enjeu européen
La révision de l'accord d'association entre Alger et l'Union européenne, plus grand partenaire commercial de l'Algérie, est un enjeu crucial. La France avait exprimé son soutien à cette révision lors d'une courte phase de reprise de dialogue au printemps dernier. Un soutien qui pourrait être réitéré dans les prochaines semaines.
Un dialogue à reconstruire
Le retour à la normale entre les deux pays reste fragile et dépendra de la bonne volonté des deux gouvernements. En avril, un déplacement à Alger du chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot, censé ouvrir "une nouvelle phase" positive, avait été suivi d'un regain de tensions. La libération de Boualem Sansal pourrait-elle enfin marquer un tournant ?