Des discours tonitruants, des résultats décevants
En matière de fraude fiscale, les discours promettent sans cesse des actions musclées et des résultats marquants. C'est encore le cas du projet de loi contre les fraudes sociales et fiscales, qui, après un passage au Sénat, doit être débattu à l'Assemblée nationale à partir du 13 janvier 2026. Pour lutter contre cette « atteinte directe au pacte républicain », le gouvernement Lecornu entend ainsi se doter d'« outils toujours plus efficaces » et « traquer sans relâche la fraude fiscale et sociale ».
Un constat accablant de la Cour des comptes
Dans les faits, l'énergie annoncée n'est pas là. Tel est le constat établi par la Cour des comptes dans un rapport dévoilé mardi 16 décembre. Après avoir analysé les actions déployées depuis dix ans, ses experts aboutissent à une triple déception. D'abord, on connaît toujours aussi mal l'ampleur de la fraude fiscale. Ensuite, les recettes encaissées grâce aux contrôles baissent par rapport au total des impôts. Enfin, en dépit des promesses, la fraude n'est « ni plus fréquemment ni plus durement sanctionnée qu'il y a dix ans ».
Tout se passe comme si, au-delà des mots, la volonté politique n'était pas assez puissante pour compenser le manque de moyens de l'État en la matière. Cela s'observe dès la question du diagnostic. Que pèse la fraude fiscale en France : 10 milliards d'euros, 17 milliards, comme l'avance le gouvernement, voire 100 milliards ou plus, comme l'évoquent certains syndicats ? Dans une note du 16 octobre, le Conseil d'analyse économique, rattaché à Matignon, citait une fourchette extra-large, « entre 14 et 52 milliards d'euros » par an. La Cour des comptes l'agrandit encore. « Nul ne peut aujourd'hui se hasarder à affirmer que ce montant est proche de 30 [milliards] ou de 130 milliards d'euros », écrit-elle.
Un manque de moyens et de volonté politique
Les critiques à l'encontre du gouvernement sont vives. « On assiste à une rhétorique guerrière, mais les moyens ne suivent pas », dénonce un député de gauche. Les promesses de sanctions renforcées et de contrôles accrus semblent se heurter à la réalité d'un État sous-financé et d'une justice fiscale qui peine à suivre.
Par ailleurs, la fraude fiscale n'est pas un phénomène isolé. Elle s'inscrit dans un contexte plus large de crise des finances publiques, où les inégalités se creusent et où les classes populaires supportent le poids des impôts. « Tant que les grands fraudeurs ne seront pas traqués avec la même rigueur que les petits contribuables, la confiance dans l'institution fiscale ne sera pas rétablie », souligne un expert en fiscalité.
Un enjeu démocratique et social
La fraude fiscale est aussi un enjeu démocratique. Elle mine la cohésion nationale et alimente le sentiment d'injustice. « Quand certains contournent le système avec impunité, c'est toute la légitimité de l'État qui est remise en question », explique un sociologue spécialiste des questions de justice fiscale.
Face à ce constat, les oppositions réclament des mesures concrètes. « Il ne suffit pas de brandir des chiffres et des promesses, il faut agir avec des moyens à la hauteur des enjeux », déclare un porte-parole du Parti socialiste. De son côté, La France Insoumise dénonce un « gouvernement complice des fraudeurs ».
Reste à savoir si le projet de loi à venir saura convaincre. Pour l'instant, les discours musclés ne suffisent plus. La balle est dans le camp du gouvernement Lecornu, qui devra prouver qu'il est capable de concrétiser ses engagements.