Un budget adopté sous haute tension
Mercredi 10 décembre, l'adoption du budget de la Sécurité sociale a marqué un tournant politique inattendu. Avec seulement 13 voix d'écart, le texte a été validé grâce à un soutien inattendu : celui du Parti socialiste, pourtant opposition historique au gouvernement.
Emmanuel Rivière, politologue et spécialiste de l'opinion, y voit une « réussite incontestable », mais souligne les enjeux inédits pour le gouvernement Lecornu II. « C'est presque un renversement d'alliance », analyse-t-il, rappelant que Sébastien Lecornu a rompu avec la tradition en se tournant vers la gauche plutôt que vers la droite.
La stratégie payante de Lecornu
Contrairement à ses prédécesseurs, qui s'appuyaient sur Les Républicains ou le Rassemblement national, le ministre de l'Économie a misé sur les écologistes et les socialistes. Une manœuvre audacieuse, rendue possible par la marge de manœuvre exceptionnelle accordée par Emmanuel Macron.
« La suspension de la réforme des retraites, intégrée dans le PLFSS, a servi de contrepartie symbolique forte », explique Rivière. Cette concession a permis au PS de « présenter un résultat tangible » à son électorat, tout en évitant un blocage politique.
Un budget de la Sécu « apéritif » avant le vrai défi
Roland Lescure, ministre de l'Économie, a déjà averti : les efforts prévus sur le budget de la Sécu n'ont pas été réalisés à hauteur des attentes. Il faudra désormais trouver 4,5 milliards d'euros sur le budget de l'État, un défi bien plus complexe.
Les discussions sur la fiscalité des plus riches s'annoncent tendues. Le PS estime que les mesures prévues sur les holdings et la « fortune improductive » sont insuffisantes. « Ce parti joue un rôle pivot, et son vote expose ses partenaires à des critiques », souligne Rivière.
Un électorat socialiste prêt au compromis
Malgré les tensions, les enquêtes d'opinion montrent que l'électorat socialiste est majoritairement favorable à un compromis. Conscient des défis financiers du pays, il refuse d'aggraver la crise. « La pression est forte, mais la volonté de stabilité l'emporte », conclut le politologue.
Reste à savoir si cette stratégie payante pour la Sécu pourra se reproduire sur le budget de l'État, où les enjeux sont bien plus lourds.