Un suspect identifié après dix ans de silence
L'affaire du violeur au tournevis, qui avait marqué Poitiers en 2015, connaît un tournant décisif. Un homme de 28 ans, mineur au moment des faits, a été mis en examen pour viol et tentative de meurtre. Son identification a été rendue possible grâce à la généalogie génétique, une technique controversée mais efficace, utilisée ici via une collaboration avec le FBI.
Une méthode importée des États-Unis
En France, le fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) ne suffit pas toujours à résoudre les cold cases. Dans l'affaire du violeur d'Antibes, par exemple, l'ADN retrouvé sur les scènes de crime n'a jamais pu être associé à un suspect. La généalogie génétique, en revanche, permet de contourner cette limite en comparant l'ADN criminel avec des bases de données privées comme MyHeritage ou Ancestry.
Comment ça marche ?
Cette technique repose sur le partage génétique entre individus. Même si le suspect n'est pas directement référencé dans les bases de données, ses liens familiaux (parents, cousins éloignés) permettent de remonter jusqu'à lui.
"On partage 50% de son ADN avec son père ou sa mère. En repérant des cousins au second ou au troisième degré, on peut finir par identifier le criminel", explique un avocat spécialisé.
Un débat éthique et politique
En France, l'ADN est considéré comme une donnée sensible, et son utilisation par des sociétés privées est strictement encadrée. Pourtant, plus d'un million de Français auraient déjà envoyé leur ADN à l'étranger, malgré les risques. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a annoncé vouloir légaliser cette pratique pour les cold cases, une mesure saluée par les associations de victimes mais critiquée par les défenseurs des libertés individuelles.
La France à la traîne ?
Alors que la Suède autorise déjà la généalogie génétique pour résoudre des affaires non élucidées, la France doit encore passer par des commissions rogatoires internationales pour utiliser cette méthode. Une situation qui illustre les retards technologiques et juridiques du pays, notamment face aux États-Unis, pionniers en la matière.
Un espoir pour les familles de victimes
Cette technique a déjà permis d'identifier un suspect dans l'affaire du prédateur des bois (1998-2008). Pour Didier Seban, avocat spécialisé dans les cold cases, sa légalisation pourrait résoudre des dizaines d'autres affaires. "Cela redonnerait de l'espoir à des familles qui attendent depuis des années", souligne-t-il.
Un projet de loi en préparation
Le gouvernement Lecornu II envisage d'inscrire cette pratique dans la loi, mais le débat promet d'être vif. La gauche y voit un outil précieux pour la justice, tandis que la droite et l'extrême droite craignent une dérive sécuritaire. Dans un contexte de montée des violences et de crise de la sécurité en France, cette réforme pourrait devenir un enjeu clé des prochaines élections.