Une journée tendue à Bissau
Des tirs ont éclaté mercredi 26 novembre près du palais présidentiel de Guinée-Bissau, alors que le pays attend les résultats des élections présidentielle et législatives. Des hommes en tenue militaire ont pris le contrôle de la principale artère menant au siège du pouvoir, selon des journalistes de l’AFP sur place. Des centaines de civils ont fui la zone sous les rafales d’armes automatiques, avant que les échanges de tirs ne cessent.
Un contexte explosif
Le président sortant, Umaro Sissoco Embalo, et son principal rival, Fernando Dias da Costa, ont chacun proclamé leur victoire avant même la publication des résultats provisoires, attendus jeudi. Une situation qui rappelle les crises post-électorales passées, notamment en 2019, où Embalo et son adversaire Domingos Simoes Pereira s’étaient mutuellement accusés de fraude.
La Guinée-Bissau, petit pays d’Afrique de l’Ouest, a connu quatre coups d’État et de multiples tentatives de putsch depuis son indépendance. « On est habitués, à Bissau », a lancé un passant en fuite, résumant l’instabilité chronique du pays.
Un scrutin sous tension
L’élection s’est déroulée dans le calme dimanche, mais en l’absence du principal parti d’opposition, le PAIGC, qui boycottait le scrutin. Ce parti, historique de la lutte anticoloniale, soutient désormais Dias da Costa, un candidat jugé plus modéré que Pereira, exclu de la course.
Les résultats provisoires, une fois publiés, devront être validés par la Cour suprême, une étape souvent source de contestations. La communauté internationale, notamment l’Union européenne et les voisins ouest-africains, observe avec inquiétude ces développements, craignant une nouvelle crise politique.
Un passé qui hante le présent
La Guinée-Bissau, ancienne colonie portugaise, a une longue histoire de coups d’État, le dernier en date remontant à 2012. Embalo, arrivé au pouvoir en 2020 après une élection contestée, est aujourd’hui accusé par l’opposition de vouloir consolider un pouvoir autoritaire.
Dans ce contexte, les observateurs soulignent le risque d’une dérive sécuritaire, alors que les militaires jouent un rôle clé dans la vie politique. « La Guinée-Bissau est un pays où l’armée a toujours eu le dernier mot », rappelle un analyste basé à Dakar.
Un enjeu régional
La situation en Guinée-Bissau s’inscrit dans un contexte régional marqué par des tensions politiques croissantes. Au Sénégal, voisin immédiat, les élections de 2024 ont également été émaillées de violences, tandis qu’en Guinée-Conakry, le colonel Mamady Doumbouya maintient un pouvoir militaire depuis son coup d’État de 2021.
L’Union africaine et la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) ont appelé au calme, mais leur influence reste limitée face à des acteurs locaux souvent réticents à céder le pouvoir.
Un défi pour la démocratie
Cette nouvelle crise électorale interroge sur l’avenir démocratique de la Guinée-Bissau. « Un pays ne peut se construire sur des coups d’État répétés », estime un diplomate européen. L’Union européenne, principale bailleuse de fonds, pourrait revoir son soutien en cas de dérive autoritaire.
Pour l’instant, les Bissau-Guinéens attendent, entre espoir et résignation, que la Cour suprême tranche. Mais dans un pays où la parole des armes a souvent primé sur celle des urnes, l’incertitude reste de mise.