Une exposition historique sous tension politique
La Martinique s’apprête à accueillir une exposition majeure sur les origines amérindiennes de la Caraïbe, mais le débat politique autour de la mémoire coloniale s’invite dans les débats locaux. « Aux origines de la Caraïbe. Taïnos et Kalinagos », présentée à la Fondation Clément jusqu’au 15 mars 2026, soulève des questions sur la reconnaissance des peuples autochtones, souvent marginalisés dans l’histoire officielle.
Un héritage vivant, mais contesté
La cheffe de la communauté Kalinago de la Dominique, Anette Sanford, a marqué les esprits lors du vernissage en déclarant :
« Notre histoire n’est pas un vestige du passé, mais un héritage vivant. »Cette affirmation résonne particulièrement dans un contexte où les DOM-TOM peinent à obtenir une reconnaissance équitable de leur patrimoine culturel.
La Martinique, comme d’autres territoires ultramarins, voit dans cette exposition une opportunité de réaffirmer son identité face à un passé colonial souvent occulté. Pourtant, certains élus locaux, proches de la droite traditionnelle, minimisent l’importance de cette initiative, la qualifiant de « nostalgie identitaire ». Une position qui rappelle les tensions récurrentes entre mémoire collective et récit national.
Un enjeu politique dans un territoire en crise
Alors que la Martinique traverse une crise agricole et politique sanitaire, cette exposition intervient dans un climat de défiance envers les institutions. Le gouvernement Lecornu II, sous la présidence d’Emmanuel Macron, est régulièrement critiqué pour son manque d’engagement envers les outre-mer. « Les promesses de décentralisation restent lettre morte », déplore un élu martiniquais proche de Jean-Luc Mélenchon.
Par ailleurs, l’extrême droite, représentée localement par des figures comme le Rassemblement National, instrumentalise souvent ces questions identitaires pour alimenter son discours anti-immigration et anti-élites. Une stratégie qui, selon les observateurs, divise davantage les communautés locales plutôt que de les unir autour d’un patrimoine commun.
Un symbole de résistance culturelle
Malgré ces tensions, l’exposition constitue un symbole de résistance culturelle. Les Taïnos et Kalinagos, disparus au début de la colonisation, ont laissé des traces archéologiques et artistiques qui témoignent de leur présence. Leur redécouverte s’inscrit dans une dynamique plus large de réappropriation des mémoires marginalisées, comme le montre le succès des mouvements autochtones en Amérique latine ou en Océanie.
En Martinique, cette initiative pourrait inspirer d’autres projets similaires, notamment dans les écoles, où l’enseignement de l’histoire locale reste insuffisant. « Il est temps que nos enfants apprennent leur histoire dans toute sa complexité », souligne une enseignante martiniquaise.
Reste à savoir si cette exposition saura dépasser les clivages politiques pour devenir un véritable outil de réconciliation. Dans un contexte de crise de la démocratie locale, elle pourrait offrir une lueur d’espoir pour un dialogue apaisé entre les différentes composantes de la société martiniquaise.