Un vote symbolique qui marque un tournant
L'Assemblée nationale a officialisé, mercredi 12 novembre, la suspension de la réforme des retraites, un projet phare du second quinquennat d'Emmanuel Macron. Adoptée par 255 voix contre 146, cette décision reflète un renoncement politique sans précédent, malgré le soutien initial du gouvernement Lecornu II. Les députés Renaissance se sont abstenus, tandis que les socialistes, les écologistes et même le Rassemblement national ont voté en faveur de cette suspension.
Une victoire pour la gauche, une défaite pour Macron
Pour les socialistes, cette suspension est une victoire :
"C'est pour tous ces hommes et ces femmes qui ont eu des carrières souvent difficiles. Une excellente nouvelle, et dont nous nous félicitons",a déclaré Boris Vallaud, président du groupe PS à l'Assemblée. À l'inverse, les macronistes, bien que lucides sur les enjeux économiques, ont dû accepter ce compromis. Gabriel Attal, président du groupe Ensemble pour la République, a reconnu :
"Ce n'est évidemment pas de gaieté de cœur. [...] Mais nous sommes aussi lucides sur le fait que nous ne voulons pas nous mettre en travers du compromis."
Des alliances inattendues et des critiques acerbes
Les Républicains et les troupes d'Édouard Philippe ont voté contre, tout comme la France insoumise, qui dénonce une "arnaque". Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, a fustigé :
"Voilà votre nouvelle arnaque, nous présenter comme une grande victoire, non pas la suspension, mais le décalage d'un an du calendrier d'application de la réforme Borne."Le Rassemblement national, allié inattendu, s'est réjoui de cette division au sein de la majorité.
Un financement incertain et des questions en suspens
La suspension soulève des interrogations majeures. Le coût estimé à 300 millions d'euros en 2026 et 1,9 milliard en 2027 pose la question du financement. Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, explique :
"Le problème, c'est que la hausse de la CSG est adoptée. Mais d'autres mesures prévues dans le projet de loi de finances et de sécurité sociale n'ont pas été adoptées."Les personnes nées entre 1964 et le premier trimestre 1965 seront les premières concernées par ce report.
Un héritage politique en péril
En coulisses, l'entourage d'Emmanuel Macron reconnaît un renoncement à son héritage politique. Bien que le Premier ministre Sébastien Lecornu ait justifié cette décision par la stabilité, le président reste convaincu de la nécessité de travailler davantage. La suspension n'est pas définitive : le budget de la Sécurité sociale doit encore être adopté par le Sénat et l'Assemblée.