Des amendements clés en main pour influencer le PLFSS
Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) doit être adopté dans l'hémicycle, une enquête révèle que des centaines d'amendements ont été rédigés par des représentants d'intérêts avant d'être déposés par des députés de tous bords. Une pratique légale, mais qui soulève des questions sur la transparence des liens entre le pouvoir législatif et les groupes de pression.
Une pratique répandue, mais peu transparente
Parmi les plus de 3 400 amendements déposés, au moins 300 ont été directement inspirés, voire entièrement écrits, par des entreprises, syndicats ou associations. Ces textes, souvent identiques, sont envoyés aux élus sous forme de documents prêts à être copiés-collés. Pourtant, la loi Sapin II impose aux représentants d'intérêts de se déclarer, mais rien n'oblige les députés à mentionner l'origine de leurs amendements.
Un amendement sur les médicaments génériques, signé FSPF
L'un des exemples les plus frappants concerne un amendement déposé par 24 députés de différents groupes politiques, allant des communistes aux macronistes, en passant par la droite. Ce texte, qui propose de rétablir un plafond de 40 % de remise commerciale sur les médicaments génériques, a été rédigé par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Interrogé, le député socialiste Guillaume Garot reconnaît avoir été influencé par les arguments des pharmaciens, mais avoue un oubli dans la mention de la source.
"Un député ne peut pas tout savoir. Nous, nous connaissons les tenants et aboutissants de la situation des pharmaciens. Donc, on le couche noir sur blanc, et c'est aux députés de prendre la décision." Yorick Berger, porte-parole de la FSPF
Des laboratoires pharmaceutiques dans l'ombre
D'autres amendements, déposés par des élus de droite et du centre, ont été directement inspirés par les laboratoires Biogaran et Upsa. Les textes, identiques à la virgule près, incluent même des fautes d'orthographe présentes dans les documents originaux. Seule une députée d'Ensemble pour la République a mentionné la collaboration avec Biogaran.
La gauche assume, la droite se défend
Du côté de La France Insoumise, on assure vérifier chaque amendement avant dépôt, même s'ils proviennent d'associations. "Nous avons aussi les équipes du groupe qui sont bien formées dans leur domaine et qui vont donner leur avis sur les amendements", explique un collaborateur. À droite, on plaide la légitimité des textes proposés : "Ce n'est pas un copier-coller juste pour faire plaisir à Biogaran. On a déposé ces amendements, car c'est un travail sur du long terme qu'on fait avec eux."
Vers plus de transparence ?
L'ONG Transparency International France propose la création d'une plateforme publique où seraient listés tous les amendements rédigés par des tiers. Une idée soutenue par certains députés, mais qui se heurte à la méfiance traditionnelle des élus français envers le lobbying. "On a du mal à réguler le lobbying en France, car on vit dans l'idée que le lobbying, c'est mal", analyse Olivier Costa, directeur de recherche au Cevipof.
Alors que le gouvernement Lecornu II et le président Emmanuel Macron s'engagent sur des réformes sociales, cette enquête rappelle l'influence croissante des lobbies dans l'élaboration des lois. Une question qui pourrait prendre une place centrale dans la campagne pour les élections de 2027.