Un budget sous haute tension
Alors que la France s'apprête à célébrer Noël, le gouvernement et le Parlement sont plongés dans une crise budgétaire sans précédent. Vendredi 19 décembre, sept députés et sept sénateurs se retrouveront en commission mixte paritaire (CMP) pour tenter de trouver un accord sur le projet de loi de finances. Mais les perspectives sont sombres, tant les divergences entre les deux chambres sont profondes.
Un climat explosif
Dans les couloirs de l'Assemblée nationale, l'atmosphère est électrique. "C'est un peu l'enfer en vrai", résume une députée macroniste, illustrant la tension qui règne autour de ce texte crucial. Après des semaines de débats, les positions restent figées, et le Premier ministre Sébastien Lecornu a reconnu lui-même que les négociations seraient "plus difficiles encore" que pour le budget de la Sécurité sociale.
La droite sénatoriale en ligne de mire
Le Sénat, dominé par une alliance entre la droite et le centre, a adopté une version durcie du budget, rejetant notamment la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises, qui devait rapporter six milliards d'euros. Bruno Retailleau, patron de LR, a clairement affiché son opposition :
"C'est non. À ces conditions-là, qui sont des conditions néfastes pour le pays, ce n'est pas acceptable. On veut moins d'impôts et surtout moins de dépenses publiques."
Cette posture a provoqué l'ire de l'exécutif. Sébastien Lecornu a dénoncé "la radicalité d'une petite partie du groupe LR du Sénat", accusant la droite de mettre en danger la réussite de la CMP. Un ministre a même cinglé :
"Si la droite sénatoriale voulait imposer son budget, elle n'avait qu'à gagner les élections."
Un scénario catastrophe se profile
En cas d'échec de la CMP, le gouvernement devra recourir à une loi spéciale pour autoriser la perception des impôts et la reconduction des dépenses votées en 2025. Un scénario que personne ne souhaite, mais qui semble de plus en plus probable. "On en revient toujours au 49.3", confie une macroniste, évoquant la possibilité d'un recours à l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer le budget.
La gauche dans l'opposition
Du côté des socialistes, l'opposition est ferme. Romain Eskenazi, porte-parole du groupe PS, a déclaré :
"Un PLF qui marquerait la continuité de la politique de l'offre [d'Emmanuel Macron] est inacceptable."Les écologistes, eux, refusent toute compromission. Christine Arrighi, cheffe de file du groupe, a dénoncé un budget "inacceptable", soulignant que le Sénat avait "détricoté les petites avancées de l'Assemblée".
Un budget qui divise jusqu'au sein de la majorité
Même au sein de la majorité, les divisions sont profondes. Le socle commun, qui regroupe macronistes et LR modérés, peine à trouver un consensus. Paul Midy, chef de file des macronistes, a insisté sur la nécessité d'un texte qui puisse être adopté par l'Assemblée, mais les écologistes et une partie des socialistes restent inflexibles.
Vers une reprise des négociations en janvier ?
Si la CMP échoue, les discussions pourraient reprendre en janvier, mais sous quelles conditions ? Jean-Philippe Tanguy, député RN, ironise :
"On peut imaginer une loi spéciale jusqu'aux municipales et finalement, un compromis ou un 49.3 de lassitude."Une perspective qui illustre le blocage politique actuel et la difficulté à trouver un terrain d'entente.
Un budget qui reflète les fractures politiques
Ce budget 2025 est bien plus qu'un simple texte financier : il cristallise les tensions politiques d'une France divisée. Entre la droite sénatoriale intransigeante, une gauche déterminée à s'opposer, et une majorité présidentielle en quête de compromis, les prochains jours s'annoncent décisifs. Et si le 49.3 devait être utilisé, ce serait un aveu d'échec pour un gouvernement déjà fragilisé.