Un discours qui divise
« Messieurs, je vous invite à vous taire. Le plan de la bataille a été tracé. Le commandant est désigné. C’est à lui de conduire l’action. » Ces mots, attribués à Louis XV avant la bataille de Fontenoy, résonnent étrangement avec les propos du général Mandon, chef d’état-major des armées, lors d’une allocution qui a fait trembler les bancs de l’Assemblée nationale le 18 novembre. Si la France n’est pas en guerre, les armées, elles, se préparent activement à un conflit majeur, selon les scénarios établis par le pouvoir politique.
Une déclaration qui interroge
Les réactions politiques n’ont pas tardé. À La France insoumise (LFI) et au Rassemblement national (RN), on a dénoncé un discours inacceptable, accusant le général d’évoquer un manque de « force d’âme » chez les Français, comme si le pays n’était pas prêt à « accepter de perdre ses enfants, de souffrir économiquement ». Ces critiques soulèvent des questions tant sur la forme que sur le fond.
Un alignement sur la stratégie nationale
Sur le fond, le discours du général Mandon s’inscrit pleinement dans la loi de programmation militaire 2024-2030, votée l’an dernier, et dans la Revue nationale stratégique publiée le 14 juillet. Ces textes, prenant acte de la dégradation de l’environnement sécuritaire en Europe, envisagent une « guerre majeure de haute intensité », avec la Russie comme menace principale pour la France et ses alliés.
En conséquence, les armées se préparent à un engagement sur le flanc est de l’Union européenne en cas d’aggression russe, mais aussi à une préparation morale du pays pour affronter ce choc potentiel. Une perspective qui, selon les observateurs, pourrait avoir des conséquences politiques lourdes.
Un clivage politique profond
Depuis 2022, les forces politiques sont divisées. D’un côté, ceux qui prônent une fin immédiate de la guerre en Ukraine, au nom du désarmement et d’une paix négociée. De l’autre, ceux qui y voient un discours défaitiste et complaisant envers Vladimir Poutine, insistant sur la nécessité de maintenir l’aide à l’Ukraine et rappelant que les intérêts français dépassent les frontières nationales.
Cette fracture s’est encore creusée après les déclarations du général Mandon. Pour certains, elles reflètent une réalité brutale : la France doit se préparer à un conflit. Pour d’autres, elles relèvent d’une rhétorique guerrière dangereuse, susceptible d’alimenter les tensions.
Un enjeu pour 2027
Alors que la campagne pour les élections présidentielles de 2027 s’annonce tendue, ce débat sur la préparation militaire pourrait bien devenir un marqueur politique. Les partis de gauche, traditionnellement critiques envers les dépenses militaires, pourraient être mis en difficulté, tandis que la droite et l’extrême droite pourraient tenter d’en faire un argument en leur faveur.
Dans ce contexte, le gouvernement de Sébastien Lecornu, déjà sous pression sur plusieurs dossiers, devra naviguer avec prudence. Car si la défense nationale est un sujet consensuel en apparence, les divergences sur sa mise en œuvre risquent de diviser durablement le pays.