Un vote serré sous haute tension
Le projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS) a été adopté mardi 9 décembre à l'Assemblée nationale, à l'issue d'une nouvelle lecture marquée par des tensions politiques et des manœuvres en coulisses. Avec 247 voix pour, 234 contre et 93 abstentions, le texte a franchi l'obstacle grâce au soutien décisif du Parti socialiste, qui a obtenu plusieurs concessions majeures.
La gauche impose ses marqueurs
Parmi les mesures phares figurent la suspension de la réforme des retraites, réintroduite par les députés malgré le rejet initial du Sénat. L'article 45 bis du texte suspend jusqu'en janvier 2028 le report progressif de l'âge légal à 64 ans, permettant aux générations concernées de partir plus tôt. Le texte inclut aussi des mesures pour mieux valoriser les carrières des femmes, une avancée saluée par les associations féministes.
Les socialistes ont également obtenu l'abandon du doublement des franchises médicales, une mesure impopulaire qui aurait pénalisé les ménages modestes. Le gel des pensions et des minima sociaux, autre mesure explosive, a été rejeté, garantissant une revalorisation des prestations sociales en fonction de l'inflation.
Un budget sous haute surveillance
Le gouvernement table sur un déficit de 19,6 milliards d'euros en 2026, un chiffre contesté par l'opposition. La droite dénonce un trompe-l'œil budgétaire, pointant le transfert de 4,5 milliards d'euros du budget de l'État vers la Sécurité sociale pour masquer les difficultés. « On ne rééquilibre pas la Sécu en affaiblissant le reste des comptes publics », a critiqué une députée de la majorité présidentielle.
Le Premier ministre Sébastien Lecornu a défendu le texte, soulignant que le déficit serait ramené à 19,6 milliards, contre 30 milliards sans adoption du PLFSS. Mais cette évaluation est jugée trompeuse par certains élus, qui y voient une manipulation comptable.
Des tractations sous pression
Les heures précédant le vote ont été marquées par des accusations de chantage politique. La présidente du groupe écologiste a dénoncé des pressions exercées sur des entreprises du secteur des énergies renouvelables pour influencer le vote de son groupe. Sébastien Lecornu a nié toute implication et promis une enquête interne.
La majorité présidentielle a dû composer avec les abstentions d'une partie des Républicains et des Écologistes, tandis que La France insoumise, le Rassemblement national et l'UDR ont voté contre. Le texte retourne désormais au Sénat, où une nouvelle version pourrait être adoptée, avant un dernier arbitrage par les députés.
Des mesures sociales sous le feu des critiques
Parmi les autres mesures adoptées, la création d'un congé de naissance à partir de 2026 et une taxation exceptionnelle des complémentaires santé ont été saluées par la gauche. En revanche, le plafonnement des arrêts maladie à un mois pour une première prescription et deux mois pour un renouvellement a suscité des inquiétudes chez les syndicats.
Le gouvernement a également renoncé à doubler les franchises médicales, une mesure qui aurait alourdi la facture pour les assurés. Mais cette concession n'a pas suffi à apaiser les tensions, la droite dénonçant un budget irresponsable et la gauche un texte insuffisant face aux défis sociaux.
Un équilibre fragile
L'adoption du PLFSS s'inscrit dans un contexte de crise des finances publiques, avec un déficit qui reste élevé malgré les efforts de redressement. Le gouvernement mise sur une croissance modérée et des économies ciblées pour réduire le trou de la Sécu, mais les incertitudes économiques et les tensions politiques rendent cet objectif incertain.
Alors que le texte retourne au Sénat, les négociations s'annoncent serrées. La majorité présidentielle devra une fois encore composer avec les exigences de ses alliés et les critiques de l'opposition, dans un climat politique de plus en plus tendu.