Un taux d'application historique jamais vu depuis 25 ans
Depuis les élections législatives de juin 2024, seulement moins de 60% des lois promulguées ont été mises en œuvre, selon les chiffres alarmants de l'Assemblée nationale. Cette situation inédite depuis un quart de siècle s'explique par l'absence de décrets d'application, bloquant ainsi l'entrée en vigueur de textes pourtant votés à la majorité.
Des lois régaliennes abandonnées à leur sort
Parmi les textes les plus emblématiques, la loi contre le narcotrafic, adoptée en avril et promulguée en juin, n'est que partiellement applicable : seuls 5 décrets sur 37 ont été publiés. Un constat désastreux pour un texte régalien, comme le dénonce le député LR Éric Pauget, co-rapporteur du projet :
"On a trouvé un consensus. C'est un texte régalien, il n'y en pas eu beaucoup en 2025. Le constat est frustrant, il y a un peu moins de 15% des décrets d'application qui sont sortis."
Cette loi, pourtant saluée comme une avancée majeure dans la lutte contre les réseaux criminels, reste largement lettre morte, illustrant l'incapacité de l'exécutif à traduire les décisions parlementaires en actions concrètes.
L'instabilité gouvernementale, principal responsable
Pour Éric Pauget, l'instabilité chronique de l'exécutif explique en grande partie ce blocage : "Les changements de gouvernement, les changements de ministres, les changements de cabinets ministériels. Toute cette incertitude au niveau de l'exécutif, en partie, ça explique ce problème." Depuis 2023, le délai moyen de publication des décrets a augmenté de deux mois, un symptôme supplémentaire de la désorganisation qui règne à Matignon.
D'autres textes abandonnés à leur sort
La loi agricole, votée dans un contexte de crise du secteur, n'a vu qu'un seul décret publié sur les 25 prévus. Le texte sur Mayotte, pourtant crucial pour la stabilité de ce département d'outre-mer, n'a vu que 2 décrets sur 27 publiés. Une situation intolérable pour les élus locaux, qui voient leurs efforts législatifs réduits à néant par l'inertie de l'administration.
Un Parlement méprisé
Le député Liot Yannick Favennec, qui se bat depuis deux ans et demi pour l'application d'une loi sur la retraite des pompiers volontaires, exprime une colère partagée par de nombreux parlementaires :
"Je suis très énervé. À quoi sert le Parlement si lorsque nous votons des lois, elles ne sont pas appliquées ? On a déjà un problème de crédibilité dans l'opinion publique ces derniers mois. Il y a une nécessité que le Parlement soit respecté."
Cette défiance envers l'institution législative s'inscrit dans un contexte plus large de crise démocratique, où les citoyens constatent avec amertume que leurs représentants sont impuissants face à un exécutif défaillant.
Une crise qui dépasse le cadre national
Alors que la France traverse une période de tensions politiques internes, cette incapacité à appliquer les lois votées renforce les doutes sur la stabilité de notre démocratie. Dans un contexte international marqué par la montée des populismes et la remise en cause des institutions, cette situation affaiblit la crédibilité de la France sur la scène européenne et mondiale.
Face à cette crise, les partis d'opposition appellent à une réforme en profondeur de l'administration, tandis que la majorité présidentielle tente de minimiser l'ampleur du problème. Mais pour les citoyens, l'urgence est ailleurs : comment retrouver confiance dans un État qui ne tient pas ses promesses ?