Un tournant historique pour le réseau de chaleur parisien
La capitale française s’apprête à vivre un bouleversement énergétique sans précédent. Le réseau de chaleur parisien, l’un des plus vastes d’Europe, pourrait changer de mains après près d’un siècle de gestion par Engie. Une décision qui s’inscrit dans un contexte de tensions politiques et de débats sur la transition écologique, alors que la gauche parisienne, forte de sa majorité municipale, pousse pour une modernisation des infrastructures.
Dalkia, l’outsider qui défie l’héritage d’Engie
La municipalité parisienne a annoncé son intention de confier la gestion du réseau à Dalkia, filiale d’EDF, à partir de 2027. Un choix qui marque la fin d’une ère pour Engie, dont la filiale Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU) exploite le réseau depuis 1927. Cette décision, si elle est confirmée par le Conseil de Paris en décembre, représenterait un coup dur pour le géant énergétique, déjà fragilisé par les critiques sur sa stratégie climatique.
Un contrat colossal et des enjeux politiques
Le contrat, estimé à 15 milliards d’euros sur 25 ans, est l’un des plus importants jamais attribués dans le secteur. Dalkia, qui a présenté son offre en consortium avec Eiffage et RATP Solutions Ville, mise sur une modernisation accélérée du réseau, en phase avec les ambitions écologiques de la mairie de Paris. Une victoire pour Dalkia serait aussi un symbole fort : celle d’une entreprise publique (EDF) qui s’impose face à un concurrent privé (Engie), dans un contexte où les questions de souveraineté énergétique prennent de l’ampleur.
La gauche parisienne en première ligne
Cette décision intervient alors que la majorité municipale, dirigée par la gauche, multiplie les initiatives pour accélérer la transition écologique. Le maire de Paris, Anne Hidalgo, avait fait de la décarbonation des réseaux de chaleur une priorité, critiquant à plusieurs reprises le manque d’ambition d’Engie.
"Ce choix reflète notre volonté de repenser l’énergie à Paris, en phase avec les urgences climatiques",avait-elle déclaré lors d’un récent débat au Conseil de Paris.
Engie, un héritage en péril
Pour Engie, cette défaite pourrait avoir des conséquences bien au-delà de Paris. Le groupe, déjà sous pression pour sa dépendance aux énergies fossiles, voit son image écornée alors que la France se prépare pour la COP30. Certains analystes y voient un signe avant-coureur d’un déclin progressif de l’influence d’Engie dans les grands projets énergétiques français, au profit d’acteurs plus alignés sur les objectifs climatiques.
Un enjeu européen et une question de souveraineté
Au-delà des considérations locales, cette passation de pouvoir interroge sur la place des énergies renouvelables dans les grandes villes européennes. Paris, souvent citée en exemple pour ses politiques écologiques, pourrait servir de modèle à d’autres métropoles. La victoire de Dalkia, soutenue par EDF, renforce aussi le poids des entreprises publiques dans un secteur où les logiques de marché dominent depuis des décennies. Une tendance qui pourrait s’amplifier dans un contexte de montée des nationalismes économiques.
Un suspense politique jusqu’au Conseil de Paris
Reste que la décision n’est pas encore actée. Le Conseil de Paris, qui se réunira entre les 16 et 19 décembre, devra valider ou rejeter l’attribution. Une bataille politique s’annonce, alors que l’opposition de droite et d’extrême droite dénonce une « privatisation déguisée » au profit d’EDF. Mais avec une majorité solide, la gauche parisienne semble en position de force pour imposer son choix.