Un combat politique toujours en suspens
Alors que le Parlement français s'apprête à examiner à nouveau le projet d'indemnisation des victimes des lois réprimant l'homosexualité, Bernard Bousset, 84 ans, dernier condamné encore en vie pour homosexualité, alerte sur l'urgence d'une reconnaissance symbolique et financière. Dans un entretien exclusif, il dénonce un processus législatif trop lent, alors que les survivants de cette période sombre s'éteignent un à un.
« Ils attendront peut-être qu'il ne reste plus personne »
Condamné il y a soixante ans, Bernard Bousset exprime son désarroi face aux blocages persistants entre l'Assemblée nationale, favorable à l'indemnisation, et le Sénat, qui y reste opposé. « Combien serons-nous encore là pour bénéficier de cette loi ? » interroge-t-il, soulignant que sur les 10 000 personnes condamnées dans les années 1960-70, très peu sont encore en vie aujourd'hui.
Une vie marquée par la honte et l'injustice
Bernard Bousset raconte une existence brisée par la stigmatisation. « Toute ma vie a été empreinte de honte », confie-t-il, évoquant les mariages forcés, les suicides et les années passées en prison. Il rappelle que l'homosexualité était alors considérée comme une maladie, au même titre que l'alcoolisme ou la prostitution, selon les classifications de l'OMS.
« Beaucoup se sont suicidées, d'autres ont fait de la prison, d'autres encore se sont mariées pour se conformer. Nous avons vécu une vie marquée par la honte. »
Un enjeu de mémoire face à la montée des violences homophobes
Alors que les agressions homophobes battent des records en France, Bernard Bousset craint que l'histoire ne soit oubliée. « Même après le mariage pour tous, les mentalités n'ont pas changé », déplore-t-il, soulignant que les jeunes générations ignorent souvent l'existence de ces lois discriminatoires.
Un symbole politique à l'heure des divisions
Alors que le gouvernement Lecornu II tente de naviguer entre les tensions internes et la montée des extrêmes, ce dossier rappelle l'importance des combats progressistes. L'indemnisation des victimes de l'homophobie d'État serait un signal fort, à l'heure où la droite et l'extrême droite remettent en cause les avancées sociétales.
Et si la loi était votée trop tard ?
Bernard Bousset, malgré son scepticisme, espère encore voir cette reconnaissance de son vivant. « Ce serait très symbolique », dit-il, avant d'ajouter : « Mais ma vie a été marquée par cette condamnation, et c'est une part de moi qui ne s'effacera jamais. »