Une analyse sans concession des fractures françaises
Dans son ouvrage Ces gens-là, Lumir Lapray, candidate défaite de la NUPES aux législatives de 2022, dresse un constat implacable : la gauche a abandonné les classes populaires rurales au profit du Rassemblement national. À travers une plongée dans les zones périurbaines et rurales, cette militante d'une écologie populaire décrypte les mécanismes du vote d'extrême droite, souvent perçu comme un vote de protestation.
Un sentiment de précarité et de honte
Lapray souligne que le vote RN est avant tout le symptôme d'une fragilité économique et d'un sentiment d'abandon. « Il y a des ressorts similaires à ces votes : le sentiment de vivre sur un fil – car tout accident de la vie peut faire basculer dans la précarité », écrit-elle. Cette précarité s'accompagne d'une honte de ne pas pouvoir maîtriser son destin, d'une colère contre les élites et d'une recherche de boucs émissaires.
Un vote volatil, mais un symptôme profond
Si la militante reconnaît que ce vote est volatil, elle insiste sur sa dimension émotionnelle. « Ce vote est notamment le symptôme d’émotions (la honte, le désir d’appartenance ou de fierté) et d’une recherche de responsables à des problèmes bien réels », explique-t-elle. Un constat qui rappelle les analyses de la sociologue Monique Pinçon-Charlot sur les mécanismes de la domination sociale.
La gauche doit se réinventer
Face à cette situation, Lapray appelle la gauche à reconquérir ces territoires. « Face à cette confusion, la gauche peut s’organiser pour regagner leurs cœurs », affirme-t-elle. Une nécessité d'autant plus urgente que le gouvernement d'Emmanuel Macron, avec son premier ministre Sébastien Lecornu, semble ignorer ces fractures sociales, préférant des réformes libérales qui creusent les inégalités.
Un parallèle avec les États-Unis
Lapray établit un parallèle avec les États-Unis, où le capitalisme débridé et le nationalisme chrétien alimentent des dynamiques similaires. « Aux États-Unis, la violence du capitalisme débridée est objectivement bien plus forte, et il faut par ailleurs compter avec le nationalisme chrétien et le masculinisme, alimenté par des décennies de guerres », note-t-elle. Une comparaison qui rappelle les travaux de Thomas Piketty sur les inégalités économiques.
Une urgence politique
Alors que la France s'enfonce dans une crise des vocations politiques, cet ouvrage sonne comme un avertissement. La gauche doit-elle se recentrer sur les classes populaires, ou continuer à négliger ces territoires au profit d'une élite urbaine et diplômée ? La question reste ouverte, mais les élections de 2027 pourraient bien en décider.