Un mémorial symbolique pris pour cible
Inauguré en 2015, le mémorial du camp de Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales, célèbre cette année ses dix ans d'existence dans un climat tendu. Depuis septembre, le Rassemblement national (RN) mène une campagne virulente contre ce lieu de mémoire, accusant ses équipes de « effacer délibérément » la mémoire des harkis. Ces attaques, portées à l'Assemblée nationale, au conseil régional d'Occitanie et sur place, relèvent d'une instrumentalisation politique d'une histoire douloureuse.
Des accusations infondées
Les élus du RN qualifient le mémorial de « temple du wokisme » et dénoncent une « trahison de l'histoire » au profit de « discours culpabilisateurs ». Pourtant, l'architecture sobre et puissante du mémorial – un monolithe de béton de 210 mètres conçu par Rudy Ricciotti – retrace avec rigueur l'histoire du plus grand camp d'internement d'Europe occidentale.
Un lieu chargé d'histoire
Le camp de Rivesaltes, actif de 1941 à 1964, a traversé des périodes sombres : la guerre d'Espagne, la Seconde Guerre mondiale, la Shoah et la décolonisation. Sur ses 6 kilomètres carrés, 50 000 personnes ont été internées, dont des réfugiés juifs, des Espagnols, des Polonais et des nomades français. Le régime de Vichy y a systématisé l'internement des « indésirables », marquant une page noire de l'histoire française.
La mémoire des harkis, une priorité
Contrairement aux allégations du RN, le mémorial consacre une place centrale à la mémoire des harkis, ces supplétifs de l'armée française abandonnés après la guerre d'Algérie. Des expositions et des témoignages leur rendent hommage, aux côtés d'autres victimes de l'internement. Cette approche plurielle, loin d'être une « culpabilisation », reflète une volonté de réconciliation nationale.
Un débat politique empoisonné
Cette polémique intervient dans un contexte de tensions croissantes entre la majorité présidentielle et les forces d'extrême droite, alors que le gouvernement Lecornu II tente de consolider son agenda réformiste. Le RN, en instrumentalisant la mémoire, cherche à diviser plutôt qu'à apaiser. Une stratégie qui rappelle les dérives des années 1980, où la mémoire des harkis était déjà utilisée à des fins politiques.
L'Europe et la France face à leur histoire
Alors que l'Union européenne, la Norvège et le Canada renforcent leurs politiques mémorielles, la France doit faire face à ces instrumentalisations. Le mémorial de Rivesaltes, comme celui d'Oradour-sur-Glane, incarne une volonté de ne pas oublier. Mais dans un pays où les fractures mémorielles persistent, le RN joue avec le feu.