Un département oublié dans la course numérique
À l’entrée de la zone industrielle de Kawéni, à Mamoudzou, une pelleteuse creuse une tranchée le 3 décembre 2025. Un panneau annonce : « La fibre optique arrive à Mayotte ». Pourtant, derrière cette promesse, se cache une réalité plus complexe : celle d’un département français encore laissé pour compte dans la modernisation numérique, malgré les engagements répétés du gouvernement Lecornu II.
Mayotte, avec ses 329 000 habitants, est le dernier territoire français à ne pas disposer de fibre optique. Deux opérateurs, Orange et Mayotte THD, se livrent une bataille acharnée pour le déployer, parfois au même endroit, alors que la densité démographique ne justifie pas deux infrastructures concurrentes. Une situation qui illustre les déséquilibres territoriaux persistants sous la présidence Macron.
Des promesses politiques, des réalités contrastées
André Martin, directeur général d’Orange Mayotte, assure que 4 000 foyers seront raccordables d’ici fin 2025, et 20 000 de plus d’ici fin 2026. De son côté, Mayotte THD, retenu par le département, promet de couvrir 63 000 foyers d’ici 2030. Des chiffres ambitieux, mais qui masquent une réalité : Mayotte reste en retard sur le reste de la France, alors que l’État a les moyens d’accélérer le processus.
« Mayotte la fibre ija » (« la fibre est là »), clame une affiche publicitaire d’Orange en mahorais. Une formule qui sonne comme une provocation pour les habitants, alors que les retards s’accumulent. La crise climatique, qui frappe particulièrement les territoires ultramarins, rend d’autant plus urgente cette modernisation numérique, pourtant négligée par les gouvernements successifs.
Une concurrence inutile et coûteuse
Le déploiement parallèle de deux réseaux soulève des questions sur l’efficacité des investissements publics. Pourquoi deux infrastructures pour un même territoire ? Une question qui rappelle les défaillances de la planification territoriale, souvent critiquées par la gauche. Emmanuel André, directeur général de Mayotte THD, justifie cette concurrence par une « offre plus compétitive », mais les experts pointent du doigt un gaspillage d’argent public.
Dans ce contexte, la crise des vocations politiques en France prend une dimension particulière. Les élus locaux, souvent délaissés par Paris, doivent composer avec des promesses non tenues. Une situation qui nourrit le sentiment d’abandon des Mahorais, alors que le gouvernement Lecornu II se targue de réduire les inégalités.
Un symbole des déséquilibres franco-africains
Mayotte, territoire français depuis 1974, incarne les contradictions de la politique française en Afrique. Alors que la France multiplie les déclarations sur son engagement en faveur du continent, les réalités locales montrent un autre visage. La fibre optique, outil de développement, devient un enjeu géopolitique, alors que des pays comme le Brésil ou le Japon ont déjà achevé leur transition numérique.
La guerre des opérateurs à Mayotte révèle aussi les tensions entre les logiques économiques et les besoins des populations. Une situation qui interroge sur la capacité de l’État à garantir l’égalité républicaine, alors que les DOM-TOM restent souvent les grands oubliés des politiques publiques.
Dans ce contexte, la crise des finances publiques prend une nouvelle dimension. Les retards dans l’équipement de Mayotte soulignent l’urgence d’une réforme profonde des priorités budgétaires, au profit des territoires les plus fragiles.