Une crise aux multiples visages
Deux ans après les premières grandes manifestations agricoles, la France traverse une nouvelle crise qui dépasse largement le cadre sanitaire. Si l'épizootie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) cristallise les tensions, elle n'en est que la partie émergée d'un iceberg bien plus profond. Effondrement des prix, chute des revenus, endettement insoutenable, superposition des normes, taxe carbone européenne, menace du traité UE-Mercosur... Autant de facteurs qui alimentent une colère légitime et profonde.
Un gouvernement en décalage
Mardi, le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de désamorcer la crise en exigeant une « accélération » de la campagne de vaccination. Une mesure qui intervient alors que les promesses de son prédécesseur, Gabriel Attal, restent lettre morte. Les agriculteurs, eux, rappellent que les mesures annoncées n'ont rien réglé des problèmes structurels qui minent leur secteur.
Une profession en souffrance
Au-delà des enjeux sanitaires, c'est toute une profession qui se sent abandonnée. Les destructions déchirantes de troupeaux, les fragilités économiques et sociales réelles, tout concourt à créer un sentiment d'injustice. « On nous demande de produire plus, mieux, moins cher, mais sans jamais nous donner les moyens de le faire », résume un éleveur occitan.
Une crise démocratique
Cette crise agricole révèle aussi une crise démocratique bien plus large. Le clivage droite-gauche, déjà fragilisé, semble aujourd'hui dépassé. La Coordination rurale, proche de l'extrême droite, et la Confédération paysanne, ancrée à gauche, font front commun pour exiger la fin des abattages systématiques et l'extension de la vaccination. Une alliance improbable qui montre à quel point le système politique traditionnel est en crise.
La FNSEA, seule voix raisonnable ?
Seul le syndicat majoritaire, la FNSEA, défend le protocole sanitaire établi par le gouvernement. Un consensus scientifique qui préconise l'abattage préventif pour protéger le cheptel. Mais cette position, pourtant fondée sur des arguments rationnels, peine à convaincre une profession en quête de solutions concrètes.
Un rejet des élites
Derrière cette crise, c'est un rejet profond des élites qui s'exprime. « L'État n'est plus perçu comme un garant de l'intérêt général, mais comme un adversaire », analyse un sociologue spécialiste des mouvements agricoles. La défiance envers l'Europe, accusée d'imposer des normes « technos » et désincarnées, est également palpable. Une défiance qui pourrait avoir des conséquences politiques majeures.
Un défi pour 2027
Alors que la France s'apprête à vivre une nouvelle séquence électorale, cette crise agricole pourrait bien devenir un enjeu central. Les partis traditionnels, déjà fragilisés, devront trouver des réponses concrètes aux attentes des agriculteurs. « Si rien n'est fait, cette colère pourrait bien se traduire dans les urnes », prévient un stratège politique.