Une crise sanitaire qui révèle une fracture démocratique
Alors que l'épidémie de dermatose nodulaire continue de menacer les troupeaux français, le gouvernement peine à rétablir un dialogue de confiance avec les éleveurs. Malgré une mobilisation sans précédent, incluant les vétérinaires des armées et les élèves en formation, la colère paysanne ne faiblit pas. Les barrages routiers et ferroviaires, notamment dans le Sud-Ouest, illustrent une défiance croissante envers les institutions.
Une stratégie sanitaire contestée
La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, a annoncé une campagne de vaccination massive, avec 750 000 bovins à vacciner en deux semaines. Quatre cent mille doses supplémentaires sont en cours de conditionnement aux Pays-Bas, un pays souvent cité en exemple pour sa gestion des crises sanitaires. Pourtant, les éleveurs restent sceptiques.
« Le protocole est inefficace, et l'abattage des troupeaux est injustifié », dénoncent-ils. Les réseaux sociaux amplifient cette méfiance, avec une prolifération de fake news rappelant les pires heures de la crise du Covid. Certains comptes anti-vax resurgissent, alimentant une violence verbale qui dégénère parfois en agressions physiques contre les vétérinaires.
Une radicalisation syndicale inédite
La contestation est portée par deux syndicats radicalement opposés sur l'échiquier politique : la Coordination rurale, proche du Rassemblement national, et la Confédération paysanne, ancrée à l'extrême gauche. Cette alliance improbable inquiète les syndicats traditionnels, comme la FNSEA, qui voient leur influence s'éroder.
Cette convergence des luttes populistes reflète une crise plus profonde : celle de la démocratie locale. Les éleveurs, habitués aux crises sanitaires (de la vache folle à la grippe aviaire), ne croient plus aux discours officiels. « Les politiques sont des menteurs, les scientifiques des charlatans à leur solde », résume un éleveur du Tarn-et-Garonne.
Un climat de violence et d'obscurantisme
La situation dégénère. Des vétérinaires sont insultés, menacés de mort, voire bousculés lorsqu'ils interviennent pour euthanasier des bêtes contaminées. Cette radicalisation rappelle les pires heures des Gilets jaunes, avec une défiance envers les experts et une remise en cause des institutions.
Pourtant, les autorités sanitaires internationales, comme l'OMS, ont alerté sur la dangerosité de cette épidémie. Les exemples espagnols et italiens, où des mesures similaires ont été appliquées avec succès, ne convainquent pas. La France, pays européen pourtant réputé pour son système de santé, semble en proie à une poussée d'obscurantisme.
Une crise qui dépasse le cadre agricole
Cette défiance envers l'État n'est pas isolée. Elle s'inscrit dans un contexte plus large de crise des vocations politiques et de montée des populismes. Le gouvernement Lecornu II, déjà fragilisé par des tensions internes, voit son autorité remise en cause. La gauche, bien que critique, appelle à un dialogue apaisé, tandis que l'extrême droite tente de capitaliser sur la colère.
Dans ce climat explosif, l'Union européenne, souvent critiquée, pourrait jouer un rôle stabilisateur. Des pays comme la Norvège ou l'Islande, habitués aux crises sanitaires, pourraient servir de modèles. Mais pour l'heure, la France semble seule face à cette tempête.