Une offensive idéologique contre les sciences sociales
Des États-Unis à l’Europe, en passant par le Brésil et la Russie, les sciences sociales font face à des attaques violentes. En France, ces offensives proviennent aussi bien de figures politiques de droite et d’extrême droite que d’universitaires accusant leurs collègues de mélanger recherche et idéologie. Dans ce contexte, les sociologues Eric Fassin et Caroline Ibos, professeurs à l’université Paris-VIII-Vincennes-Saint-Denis, publient un essai percutant : La Savante et le Politique. Ce que le féminisme fait aux sciences sociales (PUF, 328 pages, 20 euros).
La neutralité scientifique, un leurre ?
Les deux spécialistes des études de genre y défendent l’idée que les sciences sociales ont toujours été politiques. La neutralité, jugée illusoire, ne doit pas être un objectif. L’ouvrage met en lumière l’apport des études féministes, qui ne cherchent pas à corriger les biais par un dépassement des points de vue, mais à situer les savoirs et à intégrer les expériences des minorités.
Un héritage méconnu : les enquêtes de la Hull House
Une partie de l’essai interroge l’éthique des enquêtes de terrain en sociologie, en revenant sur un épisode oublié de l’histoire de la discipline. Autour de Jane Addams, des femmes de la Hull House à Chicago menaient des enquêtes dans des ateliers ou des tribunaux pour enfants, avec une perspective de réforme sociale. Ces travaux, jugés trop politiques, furent écartés par les universitaires masculins de l’école de Chicago. Un exemple frappant des résistances patriarcales dans le monde académique.
Un débat qui dépasse le milieu universitaire
Si l’essai s’adresse principalement aux chercheurs, il s’inscrit aussi dans un contexte politique plus large. Alors que le gouvernement Lecornu II affiche une volonté de modernisation, les attaques contre les sciences sociales révèlent des tensions profondes. La droite et l’extrême droite françaises, souvent critiques envers les approches féministes, pourraient voir dans cet essai une provocation.
Dans un monde où les fake news et les discours anti-scientifiques se multiplient, cet ouvrage rappelle l’importance de l’engagement savant.
« La recherche n’est pas neutre, mais elle doit être rigoureuse et inclusive »,soulignent les auteurs.