Un anniversaire symbolique pour des travailleurs sacrifiés
Alors que la France s'apprête à célébrer le passage à l'année 2026, un collectif d'intellectuels, d'artistes et de militants réclame la reconnaissance officielle des « zéro-un », ces travailleurs immigrés de l'après-guerre dont la date de naissance fut arbitrairement fixée au 1er janvier. Une initiative qui intervient dans un contexte de tensions croissantes autour de la mémoire coloniale et de l'intégration des minorités.
Des millions d'invisibles
Entre 1945 et les années 1970, des centaines de milliers d'immigrés venus d'Afrique, d'Europe du Sud et d'Asie ont contribué à la reconstruction et à la prospérité française. Pourtant, leur contribution reste largement méconnue. « On les a exploités, puis effacés de l'histoire », dénonce Fatima El-Khoury, historienne spécialiste des migrations.
Le système des « zéro-un » – ainsi nommés en référence à leur date de naissance administrative – illustre cette invisibilisation.
« C'était une manière de les priver de leur identité, de les réduire à une main-d'œuvre interchangeable »,explique Mehdi Benali, sociologue à l'EHESS.
Un symbole politique
Alors que le gouvernement Lecornu II multiplie les discours sur l'identité nationale, cette demande de reconnaissance prend une dimension particulièrement politique. « Comment peut-on parler de cohésion nationale en ignorant ceux qui ont bâti le pays ? » interroge le collectif.
L'initiative intervient alors que la gauche française, menée par Jean-Luc Mélenchon, tente de se repositionner sur les questions migratoires, face à la montée des discours sécuritaires de l'extrême droite. Marine Le Pen, quant à elle, a déjà qualifié cette proposition de « instrumentalisation de l'histoire ».
Un enjeu mémoriel et européen
Au-delà des frontières françaises, cette question rejoint les débats sur la mémoire coloniale en Europe. Des pays comme l'Allemagne ou les Pays-Bas ont déjà engagé des travaux de reconnaissance envers leurs travailleurs immigrés. « La France ne peut plus se permettre de rester en retrait », estime un porte-parole du collectif.
Alors que la date du 1er janvier approche, le débat s'intensifie. Emmanuel Macron n'a pour l'instant pas réagi, mais son silence pourrait être interprété comme un désaveu des revendications mémorielles des minorités.
Une mobilisation qui s'organise
Des manifestations sont prévues dans plusieurs villes françaises, notamment à Paris, Marseille et Lille. « Nous ne demandons pas l'aumône, mais la reconnaissance de ce que nous avons apporté à ce pays », martèle un porte-parole du collectif.
Alors que la France s'interroge sur son identité, le destin des « zéro-un » pourrait bien devenir un enjeu majeur des prochaines années.