Une colère agricole qui dépasse le cadre sanitaire
La crise agricole actuelle, marquée par les blocages des éleveurs contre l'abattage systématique des troupeaux atteints de dermatose nodulaire, révèle des fractures profondes dans la société française. Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, a livré une analyse critique de la situation lors de son passage dans l'émission Tout est politique, pointant du doigt une culture de l'accusation qui paralyse les décideurs.
Un déchirement humain derrière les chiffres
Pour Raffarin, l'abattage des troupeaux n'est pas qu'une question économique :
"C'est vraiment toucher au cœur même de l'éleveur. Dans le pire des cas, c'est horrible. Il faut bien comprendre cette complexité quand vous avez 60 bêtes, quand vous vous levez la nuit pour les faire veller."Cette dimension humaine, souvent occultée dans les débats politiques, explique en partie l'intensité des protestations.
La peur des responsabilités : un frein à l'action publique
L'ancien chef du gouvernement critique une société où "on chasse la responsabilité de partout". Selon lui, cette logique pousse les décideurs à privilégier la précaution au risque de voir leurs décisions contestées ultérieurement.
"Nous sommes dans une société d'accusation. Si au moment où vous prenez les décisions, elles ne sont pas dans la bonne direction, vous pourrez porter de lourdes responsabilités sur la suite."
Mercosur : une négociation européenne mal maîtrisée
Sur le dossier du Mercosur, Raffarin estime que la France a commis une erreur stratégique en ne coordonnant pas sa position avec l'Allemagne. "Avec Jacques Chirac, nous avions pour principe de ne pas aller à une réunion internationale sans être en accord avec les Allemands", rappelle-t-il. Cette divergence franco-allemande affaiblit la position européenne face aux pays du Sud, alors que le gouvernement français semble hésiter entre protectionnisme et ouverture commerciale.
Une Europe affaiblie par ses divisions
L'ancien Premier ministre souligne que "dans un monde où le droit recule et c'est la force qui compte, l'Europe doit parler d'une seule voix". La position divergente de Paris et Berlin sur le Mercosur et les véhicules électriques chinois illustre selon lui un manque de cohésion stratégique qui profite aux grandes puissances comme les États-Unis et la Chine.
Les éleveurs entre précaution sanitaire et survie économique
La dermatose nodulaire, maladie infectieuse touchant les bovins, cristallise les tensions entre impératifs sanitaires et réalité économique. Les éleveurs dénoncent des mesures disproportionnées qui menacent leur existence, tandis que le gouvernement invoque la nécessité de prévenir les risques pandémiques. Cette crise révèle aussi les limites d'une approche purement technocratique des problèmes agricoles.
Un appel à plus de responsabilité partagée
Raffarin plaide pour un retour à une culture de la responsabilité où chacun, des décideurs aux citoyens, assumerait ses choix.
"La vraie pensée humaniste, c'est la responsabilité de la personne", affirme-t-il, critiquant un système où chacun cherche à se protéger plutôt qu'à assumer ses décisions.