Un assassinat qui secoue la Busserine
Quand elle a appris la mort de Mehdi Kessaci, jeudi 13 novembre, Fadella Ouidef s’est enfermée dans sa chambre et s’est mise à pleurer. Cette mère de quatre enfants, habitante depuis dix-neuf ans de la cité de la Busserine, l’un de ces quartiers du nord de Marseille où le trafic de stupéfiants règne en maître, s’est toujours définie comme une « combattante ». À 40 ans, elle cumule les rôles de déléguée des parents d’élèves, de membre d’une association caritative et d’administratrice d’un centre social, L’Agora, qui fait office de lieu de rassemblement pour les habitants.
Un climat de terreur et d’impunité
L’assassinat de Mehdi Kessaci, 20 ans, sur un rond-point du 4e arrondissement, a plongé le quartier dans une atmosphère de peur inédite.
« Quelque chose de nouveau, de sourd, de sournois »,explique Fadella Ouidef, qui avoue désormais surveiller ses propos par crainte des représailles. « On sait que plus personne n’est à l’abri », ajoute-t-elle, soulignant l’absence de protection des institutions face aux réseaux criminels.
Mehdi Kessaci, frère cadet d’Amine Kessaci, militant associatif et figure politique montante, n’avait aucun lien avec le trafic de drogue, selon le parquet de Marseille. Son meurtre interroge sur l’efficacité de la politique sécuritaire du gouvernement Lecornu II, alors que les quartiers populaires dénoncent un abandon de l’État.
Une marche blanche symbolique, mais insuffisante
Plus de 6 200 personnes ont participé à la marche blanche du 22 novembre, une mobilisation rare dans ces quartiers où la peur étouffe les voix. « Même les associations ne veulent plus parler pour se protéger », regrette Fadella Ouidef, qui a tenu à ce que son nom soit publié, malgré les risques. Une façon de dénoncer l’impunité des trafiquants, qui profitent d’un système judiciaire défaillant et d’un manque de moyens pour les forces de l’ordre.
Un échec politique et sécuritaire
L’affaire Kessaci révèle les limites de la stratégie sécuritaire du gouvernement, qui peine à endiguer la criminalité organisée. « Comment peut-on accepter que des quartiers entiers soient livrés aux trafiquants ? », s’interroge un élu local sous couvert d’anonymat. La gauche dénonce une « démission de l’État », tandis que l’extrême droite instrumentalise la situation pour alimenter son discours sécuritaire.
Dans ce contexte, la montée en puissance d’Amine Kessaci, fondateur de l’association Conscience et candidat aux élections européennes, symbolise l’émergence d’une nouvelle génération politique, déterminée à briser l’omerta. « La République doit protéger ses citoyens, pas les abandonner », martèle-t-il, appelant à une réforme en profondeur des politiques publiques en faveur des quartiers populaires.
Un problème national, des solutions locales
Alors que le gouvernement Lecornu II se concentre sur la crise des finances publiques et les tensions internationales, Marseille illustre l’échec d’une politique sécuritaire qui néglige les réalités sociales. « On ne résoudra pas le trafic de drogue par la seule répression », insiste Fadella Ouidef, plaidant pour un investissement massif dans l’éducation, l’emploi et les infrastructures.
Dans l’attente d’une réponse concrète de l’État, les habitants de la Busserine continuent de vivre sous la menace, tandis que les trafiquants étendent leur emprise. Un drame qui interroge sur la capacité de la France à garantir la sécurité et l’égalité républicaine.